Un rapport d'information de 2006 avec des chiffres intéressants sur les écoles de Seine-Saint-Denis

Rapport d'information n° 49 (2006-2007) de M. Pierre ANDRÉ et plusieurs de ses collègues, fait au nom de la mission commune d'information Banlieues, déposé le 30 octobre 2006

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III. LA SITUATION SCOLAIRE EN
SEINE-SAINT-DENIS

A. DES RETARDS SCOLAIRES
IMPORTANTS

Comme l'ont souligné les inspections
générales de l'éducation nationale dans un rapport
d'évaluation de l'enseignement dans l'académie de
Créteil175(*),
« l'ensemble des indicateurs de
« performance » scolaire atteste de difficultés
graves, voire croissantes, dans lesquelles la Seine-Saint-Denis prend la part
la plus importante. »

En effet, ce département concentre les
difficultés. Il se distingue, au niveau des caractéristiques
sociales des élèves, par :

- une sur-représentation des
élèves issus des catégories socioprofessionnelles
défavorisées 
(48,8 %
dont 33 % de familles ouvrières et 14 %
d'inactifs - contre 38 % au niveau de l'académie) et une
sous-représentation des classes moyennes (14 % de professions
intermédiaires) ou plus favorisées (10 % contre plus de
17 % dans l'académie) ;

- un nombre important d'élèves
étrangers ou de nationalité étrangère
(11,1 % dans le 1er degré et 13,9 %
dans le 2nd degré), supposant la mise en place de dispositifs
spécifiques pour les « primo-arrivants » non
francophones (classes d'initiation et classes d'accueil).

On constate, au niveau scolaire :

- des retards importants à l'entrée en
6è (près de 8 % des élèves ont 2 ans de
retard, contre 4 % en moyenne nationale) et en 3è (12 % contre
6 %) ;

- un quart des jeunes de 16-19 ans ont
déjà quitté le système éducatif, alors que
la moyenne nationale est d'environ 16 % ;

- le taux d'accès à l'enseignement
supérieur est parmi les plus bas de France (13 points de moins que la
moyenne nationale pour l'académie) ;

- enfin, les résultats des
élèves de Seine-Saint-Denis traduisent des écarts
importants, par rapport aux moyennes académique et nationale
,
aux évaluations nationales de 6è et dans les taux de
réussite aux examens, à l'exception de certains diplômes
professionnels (certificat d'aptitude professionnelle et brevet de technicien
supérieur notamment).

Evaluations diagnostiques en classe de 6e :
français et mathématiques rentrée 2005



 

Seine-Saint-Denis


Académie Créteil


France




 

Français


Maths


Français


Maths


Français


Maths




Score moyen global sur 100


48,5


57,2


52,4


60,7


58,45


63,92




Score moyen selon le type d'établissement
fréquenté
 :




Collèges publics de ZEP/REP


45,3


54,3


46,2


54,9


53,43


57,35




Collèges publics hors ZEP/REP


52,2


60,1


55,1


63,6


59,34


64,96




Score moyen selon le sexe des
élèves
 :




Garçons


44,9


58,6


48,8


62,2


55,44


65,82




Filles


52,5


55,7


56,3


59,1


61,45


61,88




Score moyen selon l'origine sociale des
élèves
 :




Cadres et professions libérales


60,5


67,9


63,7


71,4


68,13


74,08




Professions intermédiaires


53,5


61,4


56,8


64,2


62,66


68,77




Agriculteurs exploitants


61,7


63,9


61,2


68,4


56,79


67,42




Employés


50,2


57,7


52,3


59,7


57,87


64,03




Artisans, commerçants


49,4


59,4


53,2


62,3


58,73


67,27




Ouvriers


45,2


54,5


47,1


56,1


53,58


58,04




Retraités


42,7


52,7


45,8


55,4


-


-




Sans emploi


43,4


52,6


44,8


54,1


-


-



Source : Académie de Créteil

Taux de réussite aux examens (session
2005)



 

Seine-Saint-Denis


Académie


France




Brevet


70,8 %


73,5 %


79,1 %




CAP


76,9 %


75,5 %


NC




BEP


68,3 %


71,2 %


NC




Baccalauréat général


74,1 %


77,7 %


84,1 %




Baccalauréat technologique


64,2 %


66,7 %


76,2 %




Baccalauréat professionnel


56,5 %


59,9 %


74,7 %




BTS


66,1 %


65,2 %


NC



Source : Académie de Créteil

B. DES EFFORTS CONSEQUENTS AU NIVEAU
« QUANTITATIF », MAIS DES MANQUES AU PLAN
« QUALITATIF »

1. Un réseau dense d'établissements et
d'élèves en ZEP

A la suite des différents plans de relance de
l'éducation prioritaire, la Seine-Saint-Denis dispose, à la
rentrée 2005, d'un réseau très dense d'écoles et
d'établissements classés en ZEP :

- 39 % des élèves sont
scolarisés en ZEP (24,4 % pour l'académie) ;

332 écoles sont en ZEP, sur un
total de 790 écoles publiques, soit 42 % ;
64 collèges sont en ZEP, sur 119 collèges
publics, soit près de 54 % ; enfin, on compte
4 lycées et 3 lycées professionnels en ZEP.

Enfin, 16 collèges ont reçu le label
« Ambition réussite » 
(21 au total
pour l'académie de Créteil) et
bénéficient, depuis la rentrée 2006, de moyens
renforcés.

2. Le « Plan pour la réussite
scolaire » en Seine-Saint-Denis : un rattrapage des retards en
termes de moyens d'enseignement

A la suite du rapport du recteur Jean-Claude Fortier176 name="fnref176">(*), chargé d'une mission
d'étude et de proposition sur les difficultés de l'enseignement
public en Seine-Saint-Denis, un plan d'urgence spécifique a
été engagé en faveur de ce département à
partir de la rentrée 1998.

Les conclusions du rapport de M. Fortier sont en effet
frappantes sur les difficultés liées à la sociologie
singulière de ce département, qui « cumule de
manière exacerbée les handicaps sociaux de cette fin de
siècle » 
: ainsi, un grand nombre de familles sont
« déstructurées » et
« peu concernées par
l'école » 
; il existe en outre d'importantes
carences en matière d'accueil scolaire dans des
établissements « générateurs d'anonymat et
de violence »
(taille des établissements, qualité
des constructions, entretien insuffisant, faible fréquentation des
cantines scolaires), ainsi qu'une insuffisance des structures
pédagogiques dans certaines filières de l'enseignement
professionnel, notamment en apprentissage
.

Le « plan pour la réussite
scolaire » en Seine-Saint-Denis
a permis de réaliser,
sur quatre ans, et pour un coût total d'environ un milliard de francs, un
rattrapage des moyens d'enseignement. Il a abouti à la
création de 3.000 postes supplémentaires,
répartis comme suit :

- Personnels de direction, d'éducation,
d'orientation et de documentation 206

- Personnels de surveillance 288

- Enseignants 1er degré 705

- Enseignants 2nd degré 1  227

(dont collèges et SEGPA) (691)

- ATOSS 574

S'y est ajouté, en outre, le renfort de 2.500 aides
éducateurs.

De fait, comme le souligne le rapport précité de
l'IGEN, la Seine-Saint-Denis a « dorénavant largement
« rattrapé son retard » »
, notamment
par rapport aux autres départements de l'académie, creusant ainsi
les disparités entre eux :

- le nombre d'élèves par emploi
d'enseignants dans le 1er degré est passé de 19,7 en
1997 (contre 20 dans le département du Val de Marne) à 17,7 en
2000 (19,2 dans le 94) ;

- la dotation horaire globale des collèges a
progressé : elle s'établit à 1,453 heure par
élèves (H/E) en 2002, contre 1,239 en 1995 (sur la même
période, ce rapport est passé de 1,231 à 1,273 dans le Val
de Marne) ; de fait, le nombre d'élèves par classe a
fortement diminué :

(en  %)



 

Seine-Saint-Denis


Val-de-Marne




 

1995


2000


1995


2000




Moins de 23 élèves


15,60


35,34


13,90


21,20




De 23 à 25 élèves


37,54


49,50


39,10


37,80




Plus de 25 élèves


46,90


15,10


47


41



Source : Inspection générale de
l'éducation nationale, rapport d'évaluation de l'enseignement
dans l'académie de Créteil, 2003

3. Des difficultés graves qui pèsent sur
le fonctionnement des établissements et la réussite
scolaire 

Cette dotation spécifique en faveur de la
Seine-Saint-Denis, qui s'est essentiellement traduite en termes quantitatifs, a
montré que l'accroissement des moyens, par l'attribution de
postes, ne pouvait être la solution unique face aux difficultés
rencontrées par les élèves.

En effet, l'offre d'enseignement dans le département
présente des caractéristiques que l'on retrouve dans les autres
quartiers défavorisés, mais qui sont très
concentrées au niveau territorial :

- sur les 119 collèges publics du
département, 51 comptent plus de 600 élèves et 10 plus de
800 élèves ; 28 lycées dépassent les 1.000
élèves ;

- le taux de pré-scolarisation à deux ans
est parmi les plus faibles de métropole (7,2 % en
Seine-Saint-Denis, contre 66,5 % dans le Morbihan et 25 % en moyenne
nationale), alors que ce sont précisément les enfants des milieux
défavorisés qui en tirent les principaux
bénéfices ;

- la part des enseignants non titulaires est la plus
forte de métropole (6,9 % dans l'académie de Créteil,
contre une moyenne de 4,2 %), de même que la proportion de
professeurs du second degré public âgés de moins de
30 ans (26 % contre une moyenne de 12,3 %) ; à
l'inverse, la part des enseignants âgés de 50 ans et plus est la
plus faible (26 % dans l'académie, contre 34,7 % en
moyenne) ; les enseignants les plus jeunes sont également les moins
stables : le « turn over » est ainsi plus
marqué en Seine-Saint-Denis (si 4 % des enseignants du
1er degré font l'objet d'une mutation chaque année,
ils sont 22 % dans ce département) et atteint près de
60 % dans certains collèges ;

- cette instabilité concerne également les
personnels de direction et les personnels d'encadrement, ce qui fragilise le
pilotage ;

- l'IGEN, dans le rapport précité,
relève un « faible engagement des personnels de
l'éducation nationale, au-delà des chefs
d'établissement »
dans les dispositifs partenariaux de la
politique de la ville ;

- les phénomènes d'incivilités,
d'absentéisme et de violence scolaire trouvent une occurrence
forte : en 2000, les conseils de discipline ont prononcé plus de
1.000 décisions d'exclusion définitive ;

- l'offre d'enseignement est peu
diversifiée et peu attractive : les établissements
privés sous contrat sont peu représentés en
Seine-Saint-Denis, notamment dans le 1er degré (4 % des
écoles) ; en outre, le nombre d'élèves
scolarisés en dehors de l'académie, sur Paris principalement, est
non négligeable, notamment au niveau du lycée ;

- au niveau de l'orientation et de l'enseignement
professionnel, on constate une faible présence de
l'apprentissage, notamment aux premiers niveaux
, et une forte
sous-utilisation -de l'ordre de 15 %- des capacités d'accueil dans
les lycées professionnels
, notamment dans le bâtiment
(35 %) et la construction ; l'offre dans le secteur tertiaire
prédomine (60 % des formations) et la pression continue de s'y
exercer (filières médico-sociales, vente, comptabilité,
hôtellerie...), d'autant plus que l'accès y est facilité
par les procédures d'affectation (à l'inverse des filières
de la production, les résultats scolaires ne sont pas pris en
compte).

4. Des expériences récentes
innovantes

A côté de cela, il existe de nombreuses
« bonnes pratiques » qui gagneraient à être
mieux reconnues et diffusées, ainsi que certaines expériences
réussies :

- la coopération entre l'académie, la
police et la justice, mise en place depuis 1993 et relancée en 1997,
s'appuie sur la transmission d'une fiche de signalement, qui permet un
traitement en temps réel des incidents déclarés ;

- des structures spécifiques pour les
élèves en difficulté montrent des résultats
globalement positifs : la Seine-Saint-Denis compte ainsi plus de
11 classes et ateliers relais, pour les élèves de moins de
16 ans en voie de déscolarisation, ainsi que 4 dispositifs
« nouvelles chances » (dont l'« Auto
Ecole » de Saint-Denis et « Second cap » à
Gagny...), qui proposent des formations en alternance à des jeunes de 16
à 18 ans ;

- depuis la rentrée 2006, quatre lycées
« pilotes » du département accueillent en classe de
2nde près de 500 élèves, dans le cadre d'un
dispositif expérimental d'excellence, fondé sur la mise ne place
d'innovations pédagogiques et la mobilisation d'intervenants
extérieurs (issus de grandes entreprises, de grandes écoles, de
l'université...).

* 168 Sept
conventions cadres ont été signées pour
la période 2000-2006 : 1° Aubervilliers, La Courneuve,
Saint-Denis ; 2° Aulnay-sous-Bois, Sevran ;
3° Bobigny, Bondy, Pantin ; 4° Clichy-sous-Bois,
Montfermeil ; 5° Epinay-sur-Seine, Villetaneuse ;
6° Noisy-le-Sec, Villiers-sur-Marne ;
7° Pierrefitte-sur-Seine, Stains, Saint-Denis.

* 169 Les
conventions territoriales remplacent les anciens contrats de
ville et se déclinent par commune ou par communauté
d'agglomération lorsqu'il s'agit de conventions cadres
intercommunales.

* 170 Sept
GPV ont été signés pour une
période de 10 à 15 ans : 1° Aubervilliers,
La Courneuve, Saint-Denis ; 2°
Aulnay-sous-Bois, Sevran ; 3° Bobigny,Bondy, Pantin ;
4° Clichy-sous-Bois, Montfermeil ; 5° Epinay-sur-Seine,
Villetaneuse ; 6° Noisy-le-Sec, Villiers-sur-Marne ;
7° Pierrefitte-sur-Seine, Stains, Saint-Denis.

* 171 Six
ORU sont en cours : Bagnolet, Le Blanc-Mesnil, Drancy,
Neuilly-sur-Marne, Pierrefitte-sur-Seine et Romainville.

* 172 Dans le
cadre du programme PIC URBAN II ou du fonds social européen
(FSE).

* 173 Les
communes concernées sont : Aubervilliers, Aulnay-sous-Bois,
Bagnolet, Le Blanc-Mesnil, Bobigny, Bondy, Clichy-sous-Bois, La Courneuve,
Drancy, Dugny, Epinay-sur-Seine, Montfermeil, Montreuil-sous-Bois,
Neuilly-sur-Marne, Noisy-le-Grand, Noisy-le-Sec, Pantin, Pierrefitte-sur-Seine,
Romainville, Rosny-sous-Bois, Saint-Denis, Saint-Ouen, Sevran, Stains et
Villetaneuse.

* 174 Les
communes les plus peuplées sont Montreuil (90.700 habitants),
Saint-Denis (94.700 habitants) et Aulnay -sous-Bois (80.500
habitants).

* 175
« Evaluation de l'enseignement dans l'académie de
Créteil », Mme Gisèle Dessieux, Inspection
générale de l'éducation nationale (IGEN) et M.
Gérard Saurat, Inspection générale de l'administration de
l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), Janvier 2003.

* 176
« Les conditions de la réussite scolaire en
Seine-Saint-Denis », Jean-Claude Fortier, rapport remis à M.
Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, et Mme
Ségolène Royal, ministre déléguée
chargée de l'enseignement scolaire, 1998.

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