L'école élémentaire Frédéric Joliot Curie, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).
Exaspérés des classes sans maîtres, les parents occupent les directions d'école
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Deux banderoles affichent les messages "école sinistrée" et "urgence école 93" devant la grille de l'école élémentaire Frédéric Joliot Curie, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). La situation à l'intérieur confirme l'analyse.
Dans le bureau de la directrice, le téléphone sonne. "Allô ? Non ce n'est pas Madame Lepage. Nous sommes les parents d'élèves et nous occupons son bureau pendant une heure pour protester contre le non remplacement des enseignants. Elle ne pourra pas vous répondre avant 9 h 30." Dès 8 h 30, l'heure d'entrée des élèves en classe, une dizaine de parents ont investi les lieux et empêché tout travail administratif. Pas de problème particulier ce mardi, toutes les classe ont un enseignant. Mais ça n'a pas toujours été le cas.
Ce mardi 16 avril, ils n'étaient pas les seuls dans le département à mener cette action. 120 établissements de la Seine-Saint-Denis (93) sur les 805 ont été occupés, à l'initiative du Collectif des parents de Seine-Saint Denis. Le protocole est partout identique : les parents entrent dans le bureau de la direction, signent tour à tour une note signifiant l'occupation et faxent le document à l'inspection de circonscription.
Baptiste Chapelot, parent d'élève et membre du Collectif, est à son aise dans le bureau et explique que c'est "devenu un quotidien. Depuis trois ans au moins, à chaque absence d'enseignant non remplacé, nous utilisons le fax et le téléphone du bureau de la directrice pour signifier à l'inspection académique de circonscription qu'il n'y a pas d'enseignant. La réponse est toujours la même : il n'y a pas de remplaçants. Mais aujourd'hui, rien que sur la ville de Saint-Ouen, ce sont 24 directions d'écoles qui sont occupées."
A l'école élémentaire Frédéric Joliot Curie, les parents comptabilisent 50 journées d'absence non remplacées depuis la rentrée. Dans la ville de Saint-Ouen, ils mettent en avant les 289 absences sur 15 écoles élémentaires et maternelles.
DIFFICULTÉ DE RECRUTEMENTS EN SEINE-SAINT-DENIS
Pour le Collectif, il devient urgent de tirer la sonnette d'alarme. "Si on additionne les journées d'absences non remplacées durant toute une scolarité d'un enfant habitant la Seine-Saint-Denis, il rate une année d'apprentissage !", s'insurge Estelle Devillers, une maman qui se bat. Ils ont le sentiment que le département n'est pas soumis au même régime que les autres. Catherine Charmet, très active dans le Collectif va même plus loin et parle de "discrimination territoriale. Nous sommes dans un département qui connait une poussée démographique, où le nombre d'élèves en difficulté est très important. Nous avons besoin de moyens supplémentaires".
Autour du café et des pains aux chocolats distribués, les parents font part de leurs inquiétudes : la peur de l'échec scolaire de leur enfant, les conséquences sur l'avenir... "C'est déjà un département qui a une mauvaise image. Moi, je crois qu'on peut réussir dans ce département, c'est pour cela que je trouve important de se mobiliser", ajoute une mère qui a appris le matin même l'action menée et a rejoint le mouvement sans la moindre hésitation.
Pour mesurer les journées perdues les parents tiennent leur propre comptage sur un tableau installé sur lesite du Collectif. Et c'est le suel ! "On ne communiquera pas le nombre d'absences des enseignants non remplacés pour une raison simple : ces chiffres ne dissocient pas les absences non remplacés de très courte durée et les longues absences. Ce serait faux de donner ce chiffre ", explique-t-on à la direction académique de Seine-Saint-Denis. "On ne nie pas les difficultés de remplacement des enseignants, que nous avons rencontré sur le département. On a eu un pic entre décembre et février mais depuis quatre semaines, il y a une amélioration."
La direction académique évoque les suppressions de postes dans l'éducation nationales ces dix dernières années. "Il a fallu faire un choix : pour pallier au manque de personnels enseignants, on a eu recours au personnel dédié au remplacement pour ne pas augmenter le nombre d'élèves par classe." Résultat, dès la moindre épidémie de grippe, les brigades de remplaçants sont à zéro. En plus, il n'est pas si simple de trouver des vacataires.
"FIDÉLISER LES ENSEIGNANTS DANS LE DÉPARTEMENT"
Stéphane Troussel, président socialiste du conseil général de Seine-Saint-Denis, qui a soutenu l'action du Collectif auprès de l'Assemblée nationale et du Sénat, analyse ce manque : "Il n'y a pas assez de candidats au concours et ceux qui sont admis sont souvent issus d'autres régions. Après quelques années, ils souhaitent retourner dans leur région d'origine. D'où le besoin d'attirer les étudiants du département vers l'enseignement et fidéliser ceux qui viennent en leur facilitant l'accès au logement par exemple."
Serein, il assure que les temps ont changé : "Nous sommes face à un gouvernement qui accepte de dialoguer. Les mesures annoncées par le ministre de l'éducation nationale vont dans le bon sens ". Il fait référence aux 60 postes de remplacement sur le département, annoncés par Vincent Peillon, le ministre de l'éducation nationale. Encore faut-il réussir à les pourvoir !
Pour Mathieu Glaymann, membre du Collectif des parents du 93, "ce n'est pas assez. Par exemple, la ville de Saint-Denis comptabilise à elle seule 50 journées sans enseignants non remplacés depuis le mois de septembre". Ce vendredi, le Collectif des parents de Seine-Saint-Denis seront reçus au ministère de l'éducation nationale. Ils aimeraient entendre que leur département est la priorité des priorités.
Adama Sissoko