Le Monde : http://banlieue.blog.lemonde.fr/2012/11/26/nouvelles-nuits-des-ecoles-co...
Le Parisien : http://www.leparisien.fr/espace-premium/seine-saint-denis-93/deux-nuits-...
Le Nouvel Obs : http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20121127.FAP6785/seine-saint-denis-...
20 Minutes Paris : http://www.20minutes.fr/article/1049888/cinq-nuits-ecoles
Rien n’a changé dans les écoles du 93 ou si peu. Alors Mathieu Glaymann est reparti en bagarre. Mardi 27 novembre, ce militant FCPE d’Epinay-sur-Seine lance avec le Collectif des parents d’élèves de Seine-Saint-Denis, une nouvelle Nuit des écoles sur ce département sinistré. Celui qui avait mené avec succès la fronde des écoles du « 9-3 » en 2010, s’active depuis un mois : il rassemble les troupes, remotive les enseignants, monte un blog (nuitdesecoles93.blogspot.fr), fait le tam-tam auprès des médias et prend des rendez-vous auprès des élus locaux pour se garantir leur soutien. Le tout avec un grand sourire. Il a l'habitude des "gros coups" et celui-là doit en être un.
Mardi et vendredi, une vingtaine d’écoles seront occupées toute la soirée pour réclamer un plan d’urgence et s’inviter dans le débat sur la rénovation de l’école. Cinq villes participent à l’opération : à Saint Ouen, Aubervilliers, Saint-Denis, Pré-Saint-Gervais et Pantin, une école servira de point ralliement où les parents et enseignants se rassembleront. Des initiatives comme celle-là, le territoire en a presque l'habitude depuis quinze ans avec des mouvements d'occupation d'école pour protester "contre la misère scolaire". Cette fois-ci pourtant, ce sera "en positif", les parents étant invités à venir «réfléchir sur l’école qu’ils souhaitent ». Car dans l’esprit de M. Glaymann et de ses amis, l'heure n'est plus simplement à la protestation: il s’agit de préparer une « proposition de loi citoyenne » sur l’école. Des contacts ont déjà été pris avec les maires, des élus du conseil général et des députés dans un département en ébullition sporadique sur les manques de moyens à l'école.
"la pédagogie du manque"
En septembre, un certain nombre d’écoles avaient été occupées pour protester contre les «classes sans professeur» : dans de nombreux établissements, les professeurs absents n’étaient pas remplacés par manque de... remplaçants. Depuis, la situation s’est améliorée en primaire mais pas dans le secondaire, raconte M. Glaymann: « on n’est plus qu’à 120 jours d’absence pour l’ensemble des écoles d’Epinay, c’est mieux qu’il y a deux ans. Mais en collège, le délai de non-remplacement d'un professeur est monté à 15 jours ». Sans parler des postes de médecins scolaires vacants à 40%. Une situation liée à la difficulté de recrutement qui touche toutes les académies mais qui est particulièrement dramatique dans ce département de banlieues pauvres. Alors pour refuser cette "pédagogie du manque», les parents remontent au créneau.
Ils réclament un « plan d’urgence », avec recrutement et formation d’enseignants, de RASED, d’auxiliaires de vie scolaire mais aussi une aide aux communes pour faire face aux constructions. Car, pour remettre à niveau un département «sinistré», « c’est le seul moyen de parvenir à l’égalité territoriale que nous réclamons » explique M. Glaymann. Sur ces terres de Seine-Saint-Denis, la démographie scolaire connaît en effet une croissance importante et les municipalités doivent construire en toute hâte. Rares sont les écoles qui n’ont pas leur bâtiment Algeco en attendant la sortie d’un nouveau groupe scolaire. Ainsi Saint-Ouen en a construit deux en six ans, Aubervilliers quatre et Saint-Denis en ouvre un tous les ans. « Si on suit le contrat de développement territorial, il va falloir en construire 50 d’ici dix ans. Aucune commune n’est capable de suivre un tel rythme », remarque M. Glaymann.
Faire entendre le "9-3"
Le quarantenaire aux allures de rugbyman n’en démord pas : la situation ne peut durer une année de plus. Car à la rentrée, si l’on en croit le ministère de l’éducation nationale, les écoles devront aussi accueillir les enfants de moins de trois ans. Jean-Marc Ayrault avait fixé le cap lors du comité interministériel le 6 septembre à Marseille : « passer d’un taux de scolarisation des moins de trois ans de 15% à 30% d’ici à cinq ans » dans les quartiers prioritaires. Vincent Peillon l’a confirmé le 9 octobre en assurant que « cette politique s’engagera dès la rentrée dans les territoires en difficultés ». « C’est impossible ! A quoi ça sert d’avoir de telles injonctions sans les moyens ? », s’agace le parent d’élève.
Manifestation pour l'école en Seine-Saint-Denis en 1998 (JOEL ROBINE / AFP)
Il veut donc encore une fois faire entendre la voix des parents d’élèves de Seine-Saint-Denis. La concertation pour la refondation de l’école lancée par le ministère de l’éducation nationale en juillet a été anecdotique dans le département. « S’il y a eu trois parents présents, c’est le maximum ! », assène le militant. Les parents d'élèves insurgés veulent élaborer un « cahier citoyen de la refondation de l'école » qu'ils entendent bien montrer au ministre avant que la nouvelle loi d’orientation et de programmation sur l’école ne soit présentée au conseil des ministres en janvier. En attendant, Mathieu Glaymann est serein sur les débouchés de la « nuit des écoles » que le collectif organise : « On aura un rendez-vous avec un conseiller du ministre ou de François Hollande, ça c’est sûr ». Parce qu'avec une mobilisation tous les ans, le «9-3» sait se faire entendre.
Sylvia Zappi